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25/02/2006

A propos du nouvel orgue de l'église du Touquet

 

L'article paru dans les Echos du Touquet du 1er février et consacré au nouvel orgue de l'église appelle quelques précisions susceptibles de nuancer la satisfaction affichée de nos élus et décideurs.

1- ACHAT. Rappelons que le financement se fait essentiellement sur fonds publics. Le coût de 406.000€ indiqué dans l’article correspond au prix HT de l'instrument. Il faut lui ajouter les études et travaux annexes (aménagement tribune), ce qui élève la note à 600.000 € TTC. Compte tenu des subventions et dons, la Ville doit apporter environ 350.000€, à condition que les soutiens principaux attendus (Ministère Culture + Conseil Général = 45% du prix HT) soient bien versés. Or, déjà en 2003, toutes les subventions promises avaient été annulées. Et d'autres villes ont vu leurs subventions réduites avec pour conséquence une note finale considérablement augmentée (cas par exemple d'Auvers-sur-Oise).

2- ENTRETIEN. Le coût indiqué de la maintenance annuelle, 2.000 € ttc (0,5% du prix HT), ne couvre qu’une partie des frais à venir. Tous les 10, 20 ou 30 ans, des travaux importants sont indispensables pour que l'instrument reste jouable. En les évaluant à 1% par an (on a vu plus lourd), le coût HT en euros constants de l’instrument seul peut atteindre le million au bout d’un siècle. Il faut savoir en effet que, faute de crédits, près de 40% des orgues du Nord-Pas de Calais inventoriés par le Ministère de la Culture sont défectueux ou hors d'usage (la Région compte plus de 500 orgues). L’instrument actuel, qui ne date pourtant que de 1925, était déjà en mauvais état en 1996. Un orgue de qualité peut et doit devenir centenaire mais au prix de vigilance et de soins permanents sous peine d’être réduit un jour à l’état d’ornement somptuaire. Par ailleurs, toute "rallonge" de jeux (opération peu nécessaire s’ils sont bien choisis au départ) coûte 12 à 15.000 € par jeu supplémentaire.

3- QUALITE. Le nouvel orgue a été qualifié par certains de "haut de gamme". Sans douter à priori de la qualité de sa construction (l'avenir le dira) ou de son intérêt musical, un orgue de 30 jeux ne peut prétendre figurer parmi les plus grands, d’autant que l’image publiée en première page évoque un peu, par ses tourelles en caissons juxtaposés et malgré leur polychromie, certains orgues numériques à façade décorative ! (On pourrait s'interroger aussi sur les proportions de l'ensemble). L'église Jeanne d'Arc étant récente (1912), on aurait pu opter pour un aspect moins rigide ou plus novateur. L'église St Augustin de Deauville par exemple (1864) est dotée d'un audacieux fronton aux draperies de métal chatoyantes. On espère en revanche, le Touquet n'étant pas St Tropez, que l’esthétique sonore s’accordera bien au cadre régional. On espère également que le délai de 20 mois maximum (cf. annonce du Bulletin Officiel) imposé pour la livraison de l'instrument (à temps pour les prochaines élections municipales ?) sera sans incidence sur l'excellence de la facture.

4- UTILISATION. L'orgue ne peut rayonner que s’il bénéficie, après l’engouement initial, d’un engagement fort et durable de toutes les parties concernées, municipales ou régionales, bénévoles ou rémunérées. Trop d’exemples réels ont montré que la désaffection peut survenir, le dogme d’une facture musicale "authentique" n’étant pas le souci majeur des assemblées de fidèles. Dans un édifice religieux, la fonction cultuelle prime la fonction culturelle, comme en témoigne le traditionnel rituel de bénédiction de tout nouvel orgue. Il faudra plus que quelques concerts et usages profanes pour garnir les caisses ou soutenir la notoriété et l’excellence alléguées, d’autant plus qu’une salle de concerts véritable doit voir le jour au sein du futur espace Nouveau Siècle. Si pour certains l’Art n’a pas de prix, les contribuables et les élus doivent aussi en être convaincus – et le demeurer au cours des décennies à venir.

En attendant le verdict des générations futures, deux rendez-vous significatifs sont déjà à noter : celui de la première écoute inaugurale et celui d’un premier bilan, dix ans après.

 

Additif juin 2006. 

Il existe une possibilité de choix d'instrument traditionnel que nous n'avions pas évoquée en son temps à cause de son caractère aléatoire. C'est celle de l'orgue "d'occasion", marché peu actif mais qui peut révéler parfois de bonnes surprises. Comme le montre l'entrefilet joint, cet instrument cédé au mois de mars semble, avec ses 30 jeux, pouvoir soutenir la comparaison avec celui retenu pour l'église. Bien entendu, au 13.000 € du prix de vente il faut rajouter des frais importants de démontage, transport, remontage et révision mais en tout état de cause, son coût final reste très en deçà de celui de l'instrument touquettois. Et son heureux acheteur dispose d'un orgue signé par un facteur réputé (360 instruments construits en un siècle) et doté déjà d'un certain passé historique.

Notre municipalité a-t-elle envisagé une telle solution ? Il est permis d'en douter...

PS. Pour cause de sous-utilisation, le grand orgue du Studio 104 de la Maison de la Radio à Paris est aussi à vendre. Mais ses 101 jeux seraient un peu à l'étroit dans l'église Jeanne d'Arc !

 

►  Note mise à jour le 01.06.2006